Valentina

Troisième visite dans la cité malade de Mertvecgorod après l'extraordinaire Images de la fin du monde et le non moins palpitant Feminicid. Christophe Siébert délaisse ici ses constructions hybrides pour se recentrer, non sans maîtrise, sur une trame plus classique de roman noir.
Classique... tout est relatif, cependant, quand les lignes sont volontairement floues...

A Mertvecgorod, une bande d'ados d'un quartier dévalorisé (mais quel quartier est vraiment valorisé dans cette cité-ogresse ?) tentent d'oublier qu'ils sont déjà condamnés en se lançant mollement dans tous les excès entre deux passages à l'école, le tout sur une bande originale sentant bon le punk russe des années 90. Leur monde est bientôt fissuré par le meurtre sordide de leur voisine, la vieille Valentina, travestie dont la condition n'était pas plus enviable que la leur. L'enquête qui suivra leur révélera que le pire leur était encore caché.

Comme toujours dans les livres liés à Mertvecgorod, l'essentiel n'est pas l'intrigue, mais ce qu'elle permet de révéler sur l'univers de cette ville fictive et cauchemardesque. Christophe Siébert continue à nourrir le monstre, à l'enrichir, à le polir.

Tu vois, ce que j'ai compris très tôt, ce qui me répugne, c'est ce qui se cache derrière la paix. Toute cette masse de violence, de saloperies, juste pour que tous ces cons puissent se lever en paix le matin, prendre le bus, aller travailler, gagner leur fric, le dépenser. La face cachée de ce monde de merde.


Roman d'atmosphère à la fureur intellectualisée, Valentina alterne les scènes violentes et crues avec les plongées dans les méandres d'une société viciée, à la rencontre de personnages plus détestables les uns que les autres (le flic en tête...). La plume de Christophe Siébert fait toujours merveille, elle donne corps, lumière et odeurs aux scènes et aux pensées les plus dégueulasses, notamment les dires de celui qui perd la raison, pour lesquels elle devient d'une précision hallucinante, rendant la litanie crade subtilement poétique.

Cela devient une habitude : lire un livre de cet auteur est éprouvant, car aucun espoir n'est possible. Il faut choisir le bon moment pour ne pas se laisser submerger et apprécier à sa juste valeur l'abîme étrangement envoûtant que représente cet univers qu'on a paradoxalement du mal à quitter.

N'oubliez pas de boire beaucoup...

Valentina
Christophe Siébert
Au Diable Vauvert

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