Je ne remercierai jamais assez les éditions Le passager clandestin pour leur prodigieuse collection Dyschroniques, dirigée par Dominique Bellec, dont je suis férue. Elle permet en effet de (re)découvrir d'anciennes nouvelles d'anticipation, écrites par des grands noms de l'imaginaire, s'interrogeant sur l'avenir de l'humanité. Ce fameux écrin m'a permis de découvrir un texte que j'ignorais de cet auteur si cher à mon cœur qu'est Roger Zelazny.
Parue en 1966, au début de sa carrière, Le temps d'un souffle, je m'attarde narre l'histoire d'une intelligence artificielle, Gel, chargée, dans un avenir lointain de veiller sur une Terre sur laquelle l'humanité n'est plus qu'un lointain souvenir. Pris d'intérêt pour les créations humaines, fasciné par la complexité qui se dégage de ces artefacts, Gel se met en tête de devenir lui-même humain, et se lance pour cela dans une quête de connaissance et de sens.
Le temps d'un souffle, je m'attarde est une nouvelle aussi douce que son titre le laisse penser. On y retrouve déjà les thèmes qui seront au cœur des textes de l'auteur tout au long de sa carrière : les luttes de pouvoir, et surtout l'humanité, l'immortalité. Cependant, ces derniers thèmes sont dans cette nouvelle abordés selon un prisme différent de ceux que j'ai eu l'habitude de lire. En effet, si on retrouve souvent dans ses écrits des histoires d'homme accédant à l'omniscience ou à l'immortalité, il est question ici de l'inverse : une IA, presque omnisciente et immortelle, cherche à trouver son humanité.
D'une poésie folle et empreint d'une nostalgie certaine, Le temps d'un souffle, je m'attarde est un récit fort, qui questionne ce qui fait l'essence même de l'humain ; un mélange de récit d'aventure, d'apprentissage et de conte philosophique. L'écriture, particulièrement empathique, fait que l'on s'attache très rapidement à ce drôle de personnage principal, dont la quête pleine de sens fait écho à nos propres interrogations.
Un texte qui m'a semblé original dans l'œuvre de Roger Zelazny, prémices de ses futurs grands travaux tout en ayant une singularité propre.
Le temps d'un souffle, je m'attarde Roger Zelazny Traduit par Jean Bailhache Le passager clandestin / dyschroniques