Du champagne, un cadavre et des putes, Tome 2

Après avoir été totalement conquise par le premier tome de Du champagne, un cadavre et des putes (qu'il est indispensable d'avoir lu avant celui-ci qui en est la suite directe), j'étais impatiente de retrouver Alice, même si j'appréhendais beaucoup ce second tome.

En effet, il nous était promis de s'attarder sur son histoire d'amour avec Lawrence, personnage énigmatique et assez monolithique dans le premier tome, qui était loin au moment d'entamer cette lecture d'attirer ma sympathie.
Le problème le plus important cependant, c'est que les histoires d'amour, voyez-vous, je n'aime pas trop les lire. Qu'elles soient belles ou tragiques, classiques ou atypiques, lire des histoires d'amour, vraiment, m'ennuie profondément.
Ceci étant posé, je ne pouvais m'empêcher également de faire confiance à l'auteur pour m’emmener autre part que sur ces sentiers trop balisés, lui collant sans qu'il le sache une sacré pression, modérée par le fait que si j'ai, je crois, une qualité de lectrice, c'est de ne pas rester sur mes a priori (qu'ils soient bons ou mauvais d'ailleurs), mon envie prenant le pas sur mes réticences.

Ce qui est sûr, c'est que Vaquette sait faire désirer ce qu'il semblait mettre au cœur de ce deuxième tome, car j'ai bientôt dévoré la moitié de cet ouvrage fort conséquent avant d'arriver enfin au récit d'une première rencontre.
Sacrée première partie, d'ailleurs : totalement inattendue, elle s'applique à développer longuement un autre personnage féminin, amie et colocataire d'Alice : Lauranne. Avant même de rentrer dans le vif du sujet, je donc déjà conquise par ce premier chapitre qui est un portrait vivant, une histoire abrupte racontée avec une immense lucidité et un sacré sens du concret. Juste dans chacune de ses facettes, ce récit nous gratifie, au passage, de véritables envolées contestataires dans lesquelles la passion des convictions réussit à triompher des objections.
(J'ai d'ailleurs évoqué l'une d'entre elles ici, pour les curieux).

Quand enfin, je suis arrivée au cœur de "l'histoire dans l'histoire", quand enfin Alice et Lawrence se sont trouvés, c'est une tout autre expérience de lecture qui m'est tombée dessus, sans que j'y sois vraiment préparée.
C'est en effet une histoire assez colossale qui est comptée. Un éveil du sentiment amoureux si brutal et presque démesuré entre deux être si entiers et excessifs ne pouvait que faire des étincelles. Il a fallu tout le talent de l'auteur pour réussir à la retranscrire sans perdre le lecteur, sans, non plus, mettre complètement de coté tout l'aspect social du récit qui se retrouve dans cette partie distillé discrètement mais toujours à bon escient.

Si lire le premier opus des aventures d'Alice, et même lire pratiquement la moitié de celui-ci amène à énormément réfléchir sur la société ; la lecture de cette histoire d'amour, m'a amené à une introspection terriblement forte. Chaque chapitre, chaque paragraphe, chaque ligne, chaque mot presque, poussent à réfléchir très violemment à ses propres aspirations, à son rapport à soi-même, à l'autre, au corps, au sexe. C'est brutal, profond, presque organique.
Si les fruits de cette réflexion importent peu, (peu importe la destination, seul le voyage compte, comme dirait je ne sais plus qui) l'aspect salutaire de l'avoir accompli est, a contrario, d'une importance capitale.
La lecture du premier tome fut presque une lune de miel comparée à celle du second, qui m'a fait ressentir des émotions bien plus vives. Plus l'histoire devenait lumineuse (et elle l'est assurément, presque impeccablement), plus je suis passée par tous les états d'âme : de l'attendrissement au mépris, de l'admiration à l'agacement et, une fois au moins, pas loin de la colère.
Au milieu de cette tornade, Alice apparaît plus éblouissante qu'il est possible de l'imaginer. Plus exaltée, volontaire, conquérante, forte et fragile que jamais. Cet aspect de son histoire lui permet de continuer à ciseler ses attentes et ses convictions. Loin de la limiter ou de la soumettre à une dépendance elle semble au contraire être le vaisseau qui lui manquait pour se lancer dans sa conquête d'elle-même, rendant l'ombre de sa fin tragique, qui plane sur l'ensemble du récit, d'autant plus dramatique.


L'écriture de Vaquette, dans toute sa précision et son amplitude, est parfaitement adaptée à la grandeur du récit, et la lecture n'est jamais ni pénible, ni ennuyante. Honnêtement, j'ai passé quelques dizaines (centaines ?) de pages à me poser de sacrées questions sur là où il voulait m'emmener, et ceci n'est, en revanche, pas la première fois avec cet auteur.
C'est pour cela que si d'aventure sa lecture te tente, je t'encourage à toujours persévérer et à ne jamais, jamais croire un seul instant, que cet auteur ait pu choisir, ne serait-ce qu'une seule fois la facilité. Tôt ou tard arrive le passage qui va te déstabiliser complètement, faisant jaillir mille réflexions, et te confirmer que tu as eu une très très bonne idée de te lancer dans l'aventure.
Sache enfin qu'il a cette qualité rare que n'ont pas tous les artistes : celle de donner à son lectorat tous les moyens pour s'enrichir selon ses propres souhaits.

Du champagne, un cadavre et des putes- Tome II
Tristan-Edern Vaquette
Du poignon productions

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