Black hole

Black hole est souvent présenté comme un grand classique de la bande dessinée underground américaine, dont son auteur, Charles Burns, est un digne représentant. Sans connaître précisément son travail, j'ai immédiatement été attirée par la couverture de Black hole et son utilisation si particulière du noir et blanc.

L'histoire prend place dans une banlieue Seattle, dans les années 70. Cela aurait pu être une chronique adolescente des plus classiques si la petite communauté ne devait faire face à une maladie singulière, la "crève". Celle-ci ne touche que les adolescents et se transmet par voie sexuelle. Une fois contractée, elle se manifeste par des modifications corporelles allant des plus subtiles aux plus monstrueuses, sans que l'on puisse avoir une quelconque influence dessus. Une fois touché, c'est définitif, et les plus défigurés se retrouvent mis au ban de la société, contraints de s'exiler dans les bois environnants, et de faire les poubelles pour survivre.

Le scénario de Black hole est particulièrement déroutant. De cette maladie, on ne saura rien, ni de son origine, ni de si on tente de la combattre. On n'aura d'ailleurs pas le point de vue d'adultes, le scénario ne suivant que des héros adolescents. La crève n'est d'ailleurs selon moi pas le sujet principal du livre. Il s'agit avant tout d'une chronique sur l'adolescence, noire et acerbe, présentant la face sombre des banlieues proprettes des années 70 et décrivant par le menu le mal-être de ces jeunes, confrontés aux changements et à la quête de sens à cette époque si particulière de l'histoire récente des Etats-Unis.

Cependant, c'est bien l'aspect fantastique, horrifique, qui fait que Black hole est graphiquement impeccable, j'irai même jusqu'à dire somptueux. Entièrement en noir et blanc, il comporte nombre de scènes graphiques. L'un des thèmes récurrents qui parsème l'ensemble du livre est en effet l'incision, que l'on retrouve dès les premières cases dans la dissection d'une grenouille, puis dans les blessures, les coupures, les atteintes de la crève, les raies de lumière et bien sûr, le sexe féminin.
La maîtrise de l'encrage de Charles Burns laisse vraiment admiratif. Le dessin est en effet très réaliste, que ce soit dans les scènes classiques que dans les plus oniriques, et sa manière de privilégier les détails des décors à ceux des visages font de Black hole une vraie BD d'ambiance. Les éléments horrifiques sont parsemés tout au long du récit qui fait la part belle au malaise induit par les modifications corporelles. Le travail des ombres est somptueux, et rend certaines planches vraiment fascinantes.

Si j'ai été complètement conquise par quelques scènes absolument splendides d'abomination, si j'ai été envoûtée, bousculée, interrogée par l'étrange malaise qui est instillé au gré de l'histoire, j'ai en revanche parfois été lassée par le portrait que Charles Burns fait de l'adolescence, qui, s'il semble juste, ne propose rien qui n'ait déjà été dit et redit.
Cela ne m'empêche cependant pas de vous conseiller 1000 fois la découverte de Black hole, il serait en effet très dommage de passer à côté de sa beauté cruelle.

Je vous conseille aussi d'ailleurs l'étrange court métrage tiré du livre signé Rupert Sanders (visible sur son site internet). Il est sans doute difficile à appréhender pour qui ne connaît pas l'univers mais en est une belle inspiration, ayant su restituer son ambiance poisseuse et les égarements de son protagoniste principal, dans un tourbillon de scènes troublantes.

Black Hole
Charles Burns
Traduit par
Delcourt

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