Un Spicilège - Mot-clé - Essai2024-03-27T16:13:20+00:00Deidreurn:md5:f61c55f88ac06cf1e2c34df1e686f20fDotclearLe dernier théorème de Fermaturn:md5:adb08ee64c9e877b9451963590e023512024-03-20T17:16:00+00:002024-03-20T17:16:00+00:00DeidreEssaiEssaiHistoireLectureMathématiquesSciences <p><img src="http://unspicilege.org/public/.theoremeFermat_s.jpg" alt="" class="media-right"></p>
<p>La théorie des nombres, cette discipline mathématique qui s'intéresse aux propriétés des nombres, a quelque chose de fascinant. Je peux très facilement me perdre dans les méandres des contenus qui lui sont consacrés, sans doute car c'est l'une des branches des mathématiques qui semblent les plus accessibles aux non-mathématiciens, ses énoncés et ses théorèmes étant relativement faciles à comprendre. <br>
Le dernier théorème de Fermat, par exemple qui occupe la place centrale de ce livre, s'énonce facilement : <br></p>
<blockquote><p>Il n'existe pas de nombres entiers strictement positifs x, y et z tels que :<br>
<strong>x<sup>n</sup>+y<sup>n</sup>=z<sup>n</sup></strong><br>
dès que n est un entier strictement supérieur à 2.</p></blockquote>
<p>Pour qui se rappelle vaguement de Pythagore, cela semble familier et un profane imaginerait sans doute que cela ne doit pas être bien compliqué à démontrer. Pourtant, sa résolution occupera les mathématiciens (certains jusqu'à l'obsession) pendant plus de 3 siècles. <br>
C'est ce qui nous est brillamment conté par Simon Singh dans ce livre palpitant. On y retrouve tout ce qui ferait le sel d'une enquête policière : des indices, des hypothèses, des fausses pistes, des revirements de situations... Une histoire passionnante, parsemée de portraits des grands noms des mathématiques ayant travaillé sur le sujet.<br>
J'ai lu nombre de livres de vulgarisation, d'histoire ou d'épistémologie autour des mathématiques, mais aucun n'a réussi à ce point à me faire entrevoir la portée de la recherche mathématique. Son but, son importance, ses mécanismes. <em>Le Dernier Théorème de Fermat</em> est une plongée captivante dans ses coulisses, doublée d'une formidable histoire de l'évolution de la discipline. Il est vertigineux de se rendre compte des conséquences et implications de ce simple théorème et impossible de ne pas être admirative de ceux qui ont fait évoluer sa compréhension.<br>
Simon Singh parvient sans effort à rendre tous ces sujets digestes, et, même s'il faut évidemment une certaine appétence pour le sujet, le livre est particulièrement accessible. <br>
Sa lecture constitue un authentique apprentissage, non sans être un véritable plaisir. <br></p>
<pre>
Le dernier théorème de Fermat
Simon Singh
Traduit par Gérald Messadié
Collection Pluriel
</pre>http://unspicilege.org/index.php?post/Le-dernier-th%C3%A8or%C3%A8me-de-Fermat#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/171Petit cours d'autodéfense intellectuelleurn:md5:8fff0098ac9230654a3d1404aee6bdb62023-12-27T18:05:00+00:002023-12-27T18:05:00+00:00DeidreEssaiEssaiLectureSciences <p><img src="http://unspicilege.org/public/.autodefense_s.jpg" alt="" class="media-right" />
<br />
Voilà un livre qui porte particulièrement bien son nom. <br />
Écrit par le philosophe et professeur en sciences de l'éducation canadien Normand Baillargeon, ce <em>Petit cours d'autodéfense intellectuelle</em> est bien plus sérieux que les illustrations de Charb dont il est parsemé ne pourraient le laisser penser. <br />
<br />
Parfaitement conçu et structuré, il explore tout d'abord les différents outils nécessaires à tout un chacun pour élaborer une pensée critique viable : maîtriser le sens que l'on peut donner aux mots, comprendre la rhétorique, maîtriser un minimum les chiffres (probabilités, statistiques)... pour ensuite appliquer ces outils dans différents domaines comme la science ou les médias. <br />
Écrit de manière claire et didactique, on est vraiment dans l'essence même d'un cours à la fois abordable et jouissant d'exemples suffisamment bien choisis pour être relativement digeste. La forme reste en revanche assez classique. On se surprend parfois à avoir envie de prendre des notes, tant le côté "cours magistral" est prégnant. <br />
Sur le fond, ce "petit cours" (qui m'a demandé environ 5 heures de lecture) est notablement complet, riche en rappels, en listes, il constitue une très bonne boîte à outils à laquelle on peut se référer facilement. Si certaines de ces notions m'étaient familières, cette lecture m'a permis de les approfondir et d'en découvrir de nouvelles. <br />
<br />
Bien qu'il demande un minimum d'investissement à la lecture pour être entièrement profitable, le <em>Petit cours d'autodéfense intellectuelle</em> est typiquement le genre d'ouvrage pouvant servir de référence à qui veut exercer et améliorer sa pensée critique. <br />
<br /></p>
<pre>
Petit cours d'autodéfense intellectuelle
Normand Baillargeon
Lux
</pre>http://unspicilege.org/index.php?post/Petit-cours-d-autod%C3%A9fense-intellectuelle#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/159En cherchant Majoranaurn:md5:c7624a4fdf692b650008c63371c7ebce2023-12-13T16:54:00+00:002024-01-27T15:09:08+00:00DeidreEssaiEssaiLectureSciences <p><img src="http://unspicilege.org/public/.majorana_s.jpg" alt="" class="media-right" /></p>
<p>Court essai au faux air de roman policier, <em>En cherchant Majorana</em> s'éloigne des livres habituels d'Etienne Klein, surtout reconnu pour ses talents de vulgarisateur.<br />
Il détaille en effet dans ce texte l'enquête qu'il a lui-même menée pour tenter de retracer la vie d'Ettore Majorana, physicien dont la carrière fut aussi géniale que brève, réputé inadapté socialement et qui disparaît apparemment volontairement sans laisser de traces en 1938.<br />
Une enquête qui l'entraîne jusqu'en Italie, à la rencontre de la famille du disparu, mais également au cœur de toutes les archives qu'il peut rassembler au sujet de cet étrange personnage et de ses travaux.<br />
<br />
En suivant ses pérégrinations, on en apprend beaucoup sur Majorana (dont je n'avais jamais entendu parler auparavant), ses découvertes et ses théories, sur l'histoire de la physique et sur l'Italie des années 20/30. La plume d'Etienne Klein fait toujours merveille pour accrocher un lecteur et le garder captif, même au moment d'expliquer des concepts avancés de physique, et je me suis passionnée pour l'ombre de ce scientifique étrange, sans doute le plus doué de son époque, adoubé par ses pairs, mais également irrémédiablement en rupture avec le monde qui l'entoure. J'ai suivi avec assiduité les tâtonnements de l'enquêteur en herbe, ses échecs, ses découvertes, cherchant avec lui à comprendre ce qui avait bien pu se passer. <br />
<br />
Au fil de la lecture, on en apprend également beaucoup sur l'auteur, Etienne Klein, qui avoue qu'Ettore Majorana lui est "tombé dessus" au début de ses études de physique et dont on ressent à chaque page la fascination et l'admiration.<br />
En cherchant Majorana, il a en effet trouvé bien d'autres choses et se plaît à le transmettre dans cette lecture qui a passionné l'amatrice d'histoire des sciences et d'histoire des hommes que je suis. <br />
<br /></p>
<pre>
En cherchant Majorana
Étienne Klein
Flammarion & Équateurs
</pre>http://unspicilege.org/index.php?post/En-cherchant-Majorana#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/155Pyongyang 1071urn:md5:3cdb6b130523f2fc02f1a7490dc130422023-11-08T17:01:00+00:002023-11-08T17:01:00+00:00DeidreEssaiEssaiHumourLectureRécit <p><img src="http://unspicilege.org/public/.pyongyang-1071-poche_s.jpg" alt="" class="media-right" /></p>
<p>Qu'est-ce qui est passé par la tête du journaliste Jacky Schwartzmann quand il a eu l'idée folle d'aller courir le marathon de Pyongyang ? Outre le léger détail qui est que Pyongyang est la capitale de l'une des dictatures les plus fermées au monde, il y en a un autre : s'il est un coureur du dimanche, il y a un gouffre entre sa pratique et préparer un marathon !<br />
Manifestement, ces quelques broutilles ne sont pas du genre à arrêter notre homme qui se lance dans l'aventure et nous la raconte dans les détails pour notre plus grand plaisir. <br />
<br />
Aventure épique, s'il en est, avec ses épreuves à surmonter : convaincre ses proches qu'il n'a pas perdu la raison, triompher des épreuves administratives, tout en préparant au mieux une épreuve sportive. Avec son regard effronté et son humour inébranlable, il nous en apprend beaucoup, mine de rien, grâce à ses perceptions, sur le pays et le peuple coréen. En mêlant le récit de ses efforts pour atteindre ses objectifs sportifs avec sa découverte d'un pays replié sur lui-même, il nous livre un récit passionnant, touchant et vrai, qui m'a émue (un peu) et fait rire (beaucoup).<br />
De quoi en tirer de belles leçons de vie.</p>
<pre>
Pyongyang 1071
Jacky Schwartzmann
Paulsen
</pre>http://unspicilege.org/index.php?post/Pyongyang-1071#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/149La pensée selon la techurn:md5:beeb3c7c3c1c3f0b997878dad081e0e22023-09-20T16:46:00+01:002023-09-20T16:46:00+01:00DeidreEssaiEssaiLectureTech <p><img src="http://unspicilege.org/public/.pensee_tech_s.jpg" alt="" class="media-right" /></p>
<p>En sa qualité de professeur en littérature comparée, universitaire renommé, Adrian Daub nous livre ici un essai sur les influences littéraires et philosophiques des grands noms de la tech. Divisé en 7 sections, chacune d'entre elles aborde un courant de pensée précis et la manière dont il est perçu et utilisé dans la Silicon Valley.<br />
Nous volons donc des théories de McLuhan sur l'importance de posséder un média plutôt que son contenu à celles de René Girard sur les désirs mimétiques en passant par le randianisme (objectivisme) ou l'échec selon Samuel Beckett.<br /></p>
<blockquote><p>L'esthétique du génie qui règne sur le secteur de la tech repose encore et toujours sur cette espèce de courage purement gestuel, sur le déguisement des petites choses du quotidien en grands actes de non-conformisme, voire de résistance. Vous répétez ce que les gens disent autour de vous et vous pouvez qualifier cela de libre-pensée. Vous investissez l'argent de certaines personnes pour exploiter le travail d'autres personnes, et vous pouvez qualifier cela de prise de risques.</p></blockquote>
<p>Comme il est facile de s'en rendre compte, <em>La pensée selon la tech</em> est un ouvrage assez pointu faisant appel à des références soutenues qui rendent parfois difficile l'accès aux thèses défendues. Cependant, avec un peu de concentration et de persévérance, porté par l'humour et les capacités littéraires de son auteur, il permet de dresser un portrait assez édifiant des grandes valeurs guidant les choix des acteurs-clés du secteur. <br />
Si ça n'est pas une surprise de se rendre compte qu'ils recyclent beaucoup d'idées conservatrices en leur donnant un look novateur, si leur storytelling autour de la valorisation de l'échec ou de la disruption n'est pas un coup de théâtre, en savoir plus sur les origines de ces idées éclaire beaucoup sur le fond de leurs pensées (le chapitre sur le randianisme ayant pour moi été le plus parlant). <br />
<br />
Au-delà d'un pamphlet, La pensée selon la tech est autrement plus éclairant pour se faire une opinion sur l'idéologie qui guide ceux qui tiennent une bonne partie de nos vies entre leurs mains. La mienne est faite. <br />
<br />
N'oubliez pas d'éteindre...</p>
<pre>
La pensée selon la tech
Adrian Daub
Traduit par Anne Lemoine
C&F Éditions
</pre>http://unspicilege.org/index.php?post/La-pens%C3%A9e-selon-la-tech#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/145Le grand n'importe quoiurn:md5:6af1036647310b742ff64a978a124ba82023-07-19T17:04:00+01:002023-07-19T17:04:00+01:00DeidreEssaiBiographieCinémaEssaiLecture <p><img src="http://unspicilege.org/public/.9782702141366-T_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>
<p>C'est à travers un abécédaire que Jean-Pierre Marielle a décidé de nous livrer son autobiographie, après plus de 50 ans de carrière. Si la forme peut surprendre, elle en dit beaucoup sur la simplicité et la modestie de la personne. Nul n'est besoin de nous livrer un compte-rendu circonstancié de sa vie personnelle et d'artiste, mais à travers quelques notions, quelques noms, quelques idées, il brosse son propre portrait en toute transparence et en toute humilité.<br />
Ayant en outre choisi de découvrir ce livre au format audio, lu par son auteur, j'ai pu profiter encore de sa voix magnifique, de son phrasé inoubliable. <br />
<br /></p>
<blockquote><p>Il y avait une atmosphère quasi anarchiste à mes débuts. Nous étions considérés comme des marginaux, presque des voyous. Nous n'étions plus à l'époque où les comédiens étaient excommuniés et enterrés nuitamment mais nous demeurions suspects. C'est maintenant un métier que l'on choisit comme on ferait n'importe quoi d'autres. Parfois faute de mieux, souvent par vanité.</p></blockquote>
<p><br />
Ce que nous offre Jean-Pierre Marielle à travers ce livre, c'est une véritable leçon de vie. Il était de ces comédiens qui se sont lancés dans une carrière artistique par attrait pour l'art, de ceux qui ne couraient pas après la notoriété, de ceux pour qui la célébrité n'était qu'une conséquence parfois pesante, souvent insignifiante, de ceux qui, avant tout, cherchaient à faire rayonner la grâce. <br />
Il pose donc un regard bienveillant et lucide sur l'ensemble de sa vie et ne s'évertue à travers les lignes qu'à en extraire les instants, les pensées, à travers lesquels une certaine grâce transparaît.<br />
<br /></p>
<blockquote><p>les livres, films, et musiques qui me touchent sont réunis par la grâce. Je n'ai pas la moindre idée de sa définition, mais je la lis, la vois, l'entends. C'est une bénédiction mystérieuse venue d'on ne sait où et prend sans doute des formes différentes selon que l'on soit croyant ou athée. Il appartient à chacun de la rencontrer, mais il faut lever la tête. Elle se tient toujours un peu au-delà de notre regard et nous dépasse.<br /></p></blockquote>
<p><br />
Il ressort donc de la lecture une immense élégance couplée à une tranquillité reposante. <br />
Le livre ne manque pourtant pas d'anecdotes truculentes qui raviront tout lecteur féru d'histoire du cinéma. Il y évoque ses aventures et ses amitiés avec des grands noms du milieu mais sans nous donner l'impression que l'on ne fait qu'entrevoir un sacro-saint milieu à jamais inaccessible.<br />
Jean-Pierre Marielle, au crépuscule de sa vie, parvient à transmettre la sagesse et la sérénité des grands personnages, ceux qui ont le talent et ne cherchent rien de plus que la diffusion d'un peu plus de poésie autour d'eux. <br />
<br />
N'oubliez pas qu'après avoir l'avoir lu, tous les matins du monde n'auront plus la même saveur...</p>
<pre>
Le Grand n'importe quoi
Jean-Pierre Marielle
Audiolib / Calmann-Lévy
</pre>http://unspicilege.org/index.php?post/Le-grand-n-importe-quoi#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/141Dévorer les ténèbresurn:md5:aca72311f1875888d5c2d2a7a1b0c19d2023-05-31T16:24:00+01:002023-05-31T16:24:00+01:00DeidreEssaiEnquêteEssaiJaponLecture <p><img src="http://unspicilege.org/public/.Devorer_les_tenebres_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>
<p>Une enquête journalistique qui se lit comme un bon thriller, <em>Dévorer les ténèbres</em> est à l'image de son titre : intrigant, séduisant, mais qui fait craindre le pire.<br />
Il y a en effet une curiosité assez trouble quand on s'intéresse aux véritables affaires criminelles. Richard Lloyd Parry sait d'ailleurs parfaitement y faire référence dans son introduction. Journaliste britannique correspondant en Asie, c'est assez naturellement qu'il s'est penché sur l'affaire de la disparition en plein Tokyo de la jeune anglaise Lucie Blackman. Ce que son enquête mettra en lumière, en revanche n'a rien de naturel. <br />
<br />
Parallèlement à l'enquête en elle-même, c'est la trajectoire des différents membres de la famille de Lucie qui est tout d'abord une surprise. L'attitude quasi en opposition de ses parents met en exergue l'animosité qui s'est créée entre eux lors de leur séparation, tandis que leurs doutes, leurs espoirs dérisoires, leurs mises en scène, également, sont longuement décortiqués.<br />
<br />
Ensuite, c'est une plongée dans les aspects les moins reluisants de la société tokyoïte qui nous est proposée. La place obscure des jeunes femmes occidentales dans les quartiers chauds de la ville, à la fois fantasmées et méprisées, le fonctionnement de la police, de la justice, mettant en relief les différences culturelles et sociétales pour nous permettre de comprendre au mieux l'enchaînement des événements.<br />
<br />
Au-delà d'un sujet aguicheur, <em>Dévorer les ténèbres</em> est avant tout un travail journalistique effarant de minutie, sublimé par une plume accrocheuse. Richard Lloyd Parry est en effet parvenu à couvrir l'ensemble des aspects de cette histoire, à poser un regard, certes, parfois, critique, mais sachant tout de même prendre du recule, autant que possible, pour décrypter ce qui semblerait inconcevable avec notre bagage culturel. <br />
<br />
Pensez à aller prendre l'air, une fois la lecture terminée, les rouges-gorges sont de retours...</p>
<pre>
Dévorer les ténèbres
La disparue de Tokyo
Richard Lloyd Parry
Traduit par Paul Simon Bouffartigue
10/18 - Sonatine
</pre>http://unspicilege.org/index.php?post/D%C3%A9vorer-les-t%C3%A9n%C3%A8bres#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/129Que ma mort soit une fêteurn:md5:dbc6c4ad4f219626ad9451872f7ef6912023-02-22T17:02:00+00:002023-02-22T17:02:00+00:00DeidreEssaiLectureRécit <p><img src="http://unspicilege.org/public/.COUV-que-ma-mort-soit-une-fete-cyclades--scaled_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>
<p>Victor Vidal, surnommé El Frente, était un adolescent délinquant, un robin des bois qui distribuait le fruit de ses vols à ceux de son quartier. Abattu par la police à l'âge de 17 ans, il entre dans la légende. Cristan Alarcón est un journaliste qui a voulu donner la voix à ceux qui l'ont côtoyé, en s'immisçant dans le quartier pauvre de Buenos Aires dont il était issu. <br />
<br /></p>
<blockquote><p>A ma mort, jouez de la cumbia : <br />
Au son des tambours, pas de prière pour moi<br />
Pas de pleurs, ça me rendrait triste<br />
Pas de couronnes, pas de visages sinistres<br />
Que ma mort soit une fête, au son de la cumbia.<br /></p></blockquote>
<p><br />
Il en tire un livre bouleversant de sincérité, dans lequel tous les protagonistes sont les héros d'un récit dramatique. Chaque chapitre se focalise sur une personnalité différente, sur un parcours de vie, construisant au fil des pages un récit choral rendant compte de la réalité de la vie de ces quartiers, faite de petite et grosse délinquances, de galères, de drames mais également d'une incroyable solidarité. <br />
<br /></p>
<blockquote><p>Nous autres, umbanda, on les considère comme des crianças jusqu'à 15 ans. On a pas demandé à ce que ça existe, les voleurs crianças. Pour moi, un gamin de 15 ans qui vole, c'est très dur. Ca fait mal parce qu'ils n'ont pas conscience de ce qu'ils font.<br />
Les gosses veulent se sentir forts. Ont-ils idée qu'on va les abattre ?</p></blockquote>
<p><br />
On peut se sentir dérouté par le ton très journalistique du récit. Il est vrai qu'Alarcón n'a pas la verve d'un Karim Madani ou d'un Gil Scott-Heron. Cependant, il est criant, dans ce livre, qu'il a à cœur de mettre en avant ses interlocuteurs. Ce sont eux les vrais poètes. C'est dans leurs mots que toutes les émotions se trouvent, et ils sont totalement mis en valeur dans le livre.<br />
<br />
On ne peut donc qu'être touché par ce livre, par l'étrange énergie qui émerge de ses pages et par la philosophie de vie qui en ressort.<br />
<br /></p>
<pre>
Que ma mort soit une fête
Cristian Alarcón
Traduit par Michèle Guillemont
Marchialy
</pre>http://unspicilege.org/index.php?post/Que-ma-mort-soit-une-f%C3%AAte#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/116Les mille et une vies de Billy Milliganurn:md5:5046d3cd9acc8764560f6587b43ea22a2022-12-29T17:00:00+00:002023-01-28T16:20:36+00:00DeidreEssaiBiographieEssaiLecturePolar <blockquote><p>La notion d'irresponsabilité en matière pénale est une question grave. On risque de mal interpréter sa prise de position, de jeter le discrédit sur les autres patients présentant ce syndrome, sur le témoignage psychiatrique et la profession tout entière. Si le juge Flowers accepte de considérer ce trouble de la personnalité — classé jusque-là dans la catégorie des névroses — comme un motif d'irresponsabilité mentale, cette décision fera date dans l'histoire de la jurisprudence de l'Ohio et même probablement des Etats-Unis.</p></blockquote>
<p><br />
De Daniel Keyes j'ai lu avec beaucoup d'émotion le splendide <a href="https://atraverslamarelle.org/lu-des-fleurs-pour-algernon-daniel-keyes-jai-lu"><em>Des fleurs pour Algernon</em></a>, qui laissait transparaitre chez cet auteur une formidable humanité. C'est ce qui m'a convaincue de lire <em>Les mille et une vies de Billy Milligan</em> bien que je sois d'une grande méfiance dès que le sujet de la maladie mentale est abordé. <br />
William Stanley Milligan est en effet un criminel américain assez connu pour avoir été accusé de 3 viols et extorsion de fonds et jugé non responsable de ses crimes en raison de son trouble dissociatif de l'identité (TDI). Ce livre est le résultat des nombreuses heures d'entretien que ses différentes personnalités ont accordées à l'auteur, lui permettant de reconstituer le plus précisément possible ce qui a été la vie de cet homme particulier, et comment il en est arrivé à commettre les actes qui ont fini par l'accuser. <br />
<br />
Si le traitement assez sensationnaliste des faits, surtout au début, m'a quelque peu gênée, d'autres lecteurs m'ont permis de remettre ce livre dans le contexte de son époque, au moment où on découvrait presque complètement ce trouble mental. J'ai aimé cependant que l'auteur évacue complètement l'idée d'excuser ou non les actes de Billy Milligan pour se concentrer sur la description minutieuse de sa vie. En effet, elle permet de comprendre l'enchaînement de circonstances et de connaître un peu mieux l'affection dont il souffre, sans tomber dans l'angélisme, Billy Milligan ne m'étant pas particulièrement apparu comme sympathique au cours du récit. <br />
Impossible cependant pour moi de ne pas être révoltée par le traitement (ou plutôt l'absence de traitement ou de prise en charge correcte) dont il a souffert toute sa vie, le maintenant dans la souffrance, et, le plus souvent, dans l'échec quand des améliorations semblaient possibles.
<br />
<br />
Daniel Keyes confirme ses formidables talents d'écrivain et son infinie humanité dans ce livre tellement riche d'enseignements et d'émotions. Écrit comme un roman à suspense, richement documenté, il nous plonge au cœur de nombreuses réflexions. S'il faut le prendre avec un peu de recul aujourd'hui qu'on en sait un peu plus sur le TDI et que le cas Billy Milligan ne se présente plus comme représentatif à lui tout seul de l'immense complexité de ce trouble, on y trouve tout de même un certain nombre de clés de compréhension, en rendant sa lecture particulièrement enrichissante. <br />
<br /></p>
<pre>
Les mille et une vies de Billy Milligan
Daniel Keyes
Traduit par Jean-Pierre Carasso
Calmann-Levy
</pre>
<p><img src="http://unspicilege.org/public/.Billy_milligan_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Les-mille-et-une-vies-de-Billy-Milligan#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/106Traduire Hitlerurn:md5:2e185bdf430fa7c4b0e57f6f473fb8d22022-11-16T15:51:00+00:002022-11-16T15:51:00+00:00DeidreEssaiEssaiHistoireLectureTraduction <blockquote><p>C'est sur ces bases que le véritable débat s'engagea aussi à la fin 2015 : loin des polémiques s'installa une saine et légitime discussion entre historiens, journalistes et intellectuels. Quelle était l'utilité de publier une nouvelle traduction et une édition critique d'un livre pareil ? Quels en étaient les risques, quels en seraient les avantages ? Et surtout, pourquoi ce livre soulevait-il tant de questions ?</p></blockquote>
<p><br />
En ces temps troublés en ligne, s'il y a une chose que je dois concéder aux réseaux sociaux, c'est bien la lumière qu'ils m'ont permis de mettre sur un métier auquel je ne m'étais pas intéressé avant d'être blogueuse : la traduction littéraire. C'est en effet en côtoyant des personnes exerçant ce métier et en lisant les retours qu'elles font sur leur travail que j'ai commencé à me rendre compte de l'importance et de l'implication qu'il entraîne.<br />
<br />
Olivier Mannoni fait partie de ceux-là. Traducteur de l'allemand, spécialisé dans les textes sur le IIIème Reich, c'est à lui que la maison d'édition Fayard s'adresse quand le projet d'une nouvelle édition de <em>Mein Kampf</em> voit le jour. Le projet de traduction évolue cependant, alors que, sous l'impulsion de l'historien Florent Brayard, nouveau directeur de publication, il lui est demandé, non pas de rendre le texte le plus compréhensible possible, mais plutôt de le rendre à son état d'origine : confus, parsemé de nombreuses fautes, redondances et incohérences, parfois quasiment illisible. Le texte sera alors publié accompagné d'un appareil critique très fourni, sans que son titre apparaisse.<br />
Alors que l'ouvrage est paru en mai 2021 sous le titre <em>Historiciser le mal</em>, Olivier Mannoni revient dans ce court essai sur le long processus de traduction qu'il a demandé et sur les polémiques qui ont jalonné le projet.<br />
<br />
Le cas de Mein Kampf ne pouvait être plus parfait pour mettre en avant le travail de traduction tant Olivier Mannoni réussi à nous faire comprendre à quel point le verbe, le style, les expressions d'Hitler sont utilisés pour faire passer ses idées abjectes par de nombreux procédés sémantiques. La traduction avait donc aussi pour enjeu de mettre à jour ces manigances qui se cachent pourtant dans la langue même. Le chemin fut long et éprouvant, et l'auteur évoque précisément les effets que ce travail a eus sur sa vie.<br />
<br />
Alors, fallait-il rééditer Hitler ?<br />
La polémique a enflé et l'auteur y répond parfaitement, avec mesure et justesse. <br />
Oui, il fallait le faire.<br />
Oui, il fallait se pencher sur les méthodes d'Hitler.<br />
Oui, il fallait faire en sorte qu'il soit possible de comprendre, et de se souvenir.<br />
En effet, alors qu'il évoque, dans la dernière partie de l'ouvrage, comment des <em>échos lugubres</em> à tout ceci se font de nouveau entendre de plus en plus, son analyse en est d'autant plus pertinente, quand les mêmes procédés rhétoriques semblent entraîner les mêmes effroyables conséquences. <br />
<br />
Traduire Hitler est un ouvrage remarquable, aussi intelligent que juste. Le genre d'ouvrage qui réussit avec brio, en un peu plus de 100 pages, à enrichir le lecteur sur de nombreux sujets, éclairant le présent à la lumière de l'histoire.
<br /></p>
<pre>
Traduire Hitler
Olivier Mannoni
Héloïse d'Ormesson
</pre>
<p><br />
<br />
<img src="http://unspicilege.org/public/.traduire_hitler_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Traduire-Hitler#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/104Tu ne trahiras pointurn:md5:b16de1e41a493f97169aab85a3fa4af32022-10-05T16:52:00+01:002022-10-05T16:52:00+01:00DeidreEssaiEssaiGraffitiLecture <blockquote><p>Dans ce monde nocturne et souterrain, les rames sont des tombes. Le tumulte de la surface n'est plus perceptible depuis les profondeurs. Les problèmes de filles, de bandes, de famille ne sont plus que des murmures lointains et plus rien ne peut entamer cet état de <em>grâce ténébreuse</em> qui recouvre son corps et son âme, tel un suaire.</p></blockquote>
<p>Je voue une véritable admiration aux ouvrages des Éditions Marchialy. Il s'agit d'une des maisons dont les choix éditoriaux me paraissent les plus brillants. Chacun de leurs ouvrages semble juste et en accord avec leur esprit, ce que je tenais vraiment à souligner.<br />
C'est également le cas avec <em>Tu ne trahiras point</em> qui m'a tenté par son sujet et que j'ai donc acheté en toute confiance (charmée également encore une fois par le travail de couverture et de maquette de Guillaume Guilpart).<br />
<br />
Dans cet ouvrage, l'écrivain et journaliste Karim Madani narre l'histoire d'une poignée de graffeurs parisiens : d'où ils viennent, comment ils en sont arrivés au graph, quelle obsession les pousse à marquer de leurs noms chaque espace libre sur les murs, les rames de métro, les couloirs de RER... Il raconte aussi comment une lutte de l'ampleur de celle qu'on mène contre le grand banditisme finit par éclore avec la cellule gare du Nord de la police et comment elle mènera au procès de Versailles, au cours duquel 56 graffeurs seront jugés.<br />
<br />
Il dresse surtout le portrait d'une jeunesse radicale, de sa rage d'exister, de ses rêves, de ses codes, à l'époque où cette culture n'était qu'underground, avant qu'on s'intéresse à l'art de la rue. Ses héros sont si différents mais partagent le fait d'être trop vivants dans une société dans laquelle ils ne trouvent pas de place. En face se dresse une police qui se fourvoie, persuadée qu'elle poursuit des gangs de rues avec les trafics en tous genres qui peuvent y être liés. Paris ne pouvait être que le terrain parfait pour cette guerre effrénée. Une ville dont les graffeurs connaissent tous les recoins, qui est ici sublimée par les enjeux.<br />
<br />
Écrit comme un roman, mettant pourtant en scène des personnes bien réelles, <em>Tu ne trahiras point</em> joui en plus d'une écriture passionnelle d'une grande beauté, réussissant à nous plonger au cœur de l'action, au cœur des passions avec une sincère poésie. De véritables envolées lyriques ponctuent en effet le récit de véritables émotions.<br />
<br />
Une nouvelle fois j'ai été plongée dans le Paris que j'aime, et j'ai aimé le voyage.<br />
<br /></p>
<pre>
Tu ne trahiras point
Karim Madani
Marchialy
</pre>
<p><img src="http://unspicilege.org/public/.tunetrahiraspoint_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Tu-ne-trahiras-point#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/94L'homme qui prenait sa femme pour un chapeauurn:md5:9dcbb87e984f7aab225b072e4c41c89f2022-03-30T16:29:00+01:002022-09-24T11:47:50+01:00DeidreEssai12 mois - 12 livresdéfi 12EssaiLectureNeurologieSciences <blockquote><p>Le sens de l'odorat, disait-il, je n'y avais jamais pensé. Normalement, on n'y pense pas.<br />
Mais, quand je l'ai perdu, j'ai eu l'impression d'être frappé de cécité. La vie a perdu une bonne partie de sa saveur. On ne sait pas à quel point la saveur est odeur.</p></blockquote>
<p>Paru en 1985 et moult fois cité depuis comme une référence sur le sujet, <em>L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau</em> est un livre dans lequel le neurologue Oliver Sacks décrit les cas cliniques les plus étranges auxquels il a été confronté. Un peu plus de 20 cas, regroupés en 4 sections et balayant un large spectre de pathologies. <br />
C'est un livre que j'avais envie de lire depuis longtemps, j'ai donc été très contente qu'il me soit conseillé par Dimitri Reigner (j'avoue que ça n'a rien à voir, mais si tu ne connais pas son boulot, <a href="https://dimitriregnier.net/blog/laudionaute/">n'hésite pas à t'abonner à sa newsletter</a>) dans le cadre de mon challenge 12 mois, 12 livres, 12 (masto)potes.<br />
<br />
Livre à la fois passionnant et émouvant, je l'ai dévoré. Oliver Sacks est un excellent vulgarisateur, qui a su choisir avec soin ses anecdotes, offrant une cohérence et un véritable parcours de découverte tout au long de la lecture. Bien qu'il accuse le coup des années (beaucoup d'avancées ont été faite sur ces sujets depuis) il frappe par la formidable bienveillance qui se dégage de ce médecin dont la préoccupation principale n'est pas de guérir ses patients mais plutôt de les rendre heureux. <br />
<br />
Plongée passionnante dans les méandres du cerveau humain, il a la grande qualité de mettre en avant une branche de la médecine encore et toujours tenue à l'écart du grand public, et négligée par une société obsédée par la normalité.</p>
<pre>
L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau
Oliver Sacks
Traduit par Édith de la Héronnière
Points - Seuil
</pre>
<p><img src="http://unspicilege.org/public/.femme_chapeau_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/L-homme-qui-prenait-sa-femme-pour-un-chapeau#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/73Les Neuf Salopardsurn:md5:a91024792cc313709809aee1ac8aaef92021-07-07T10:22:00+01:002022-09-24T11:55:42+01:00DeidreEssaiEssaiLectureTémoignage <p><strong>Préambule :</strong><br /></p>
<p>Je ne vais pas re-présenter Tristan-Edern Vaquette, ni re-expliquer à quel point il est nécessaire de lire ses livres. Pour s'en convaincre, se rapporter <a href="https://atraverslamarelle.org/lu-du-champagne-un-cadavre-et-des-putes-tome-1-tristan-edern-vaquette">ici</a>, <a href="https://unspicilege.org/index.php?post/Je-ne-suis-pas-Charlie-Je-suis-Vaquette">ici</a>, <a href="https://unspicilege.org/index.php?post/Je-gagne-toujours-a-la-fin">ici</a> et surtout <a href="https://unspicilege.org/index.php?post/Du-champagne%2C-un-cadavre-et-des-putes%2C-Tome-2">ici</a>.</p>
<blockquote><p>C'est très révélateur d'ailleurs d'une dérive de nos sociétés — qu'on a amplement vue à l’œuvre pendant la crise du Covid —, qui se réfugient derrière les experts pour ne pas avoir à assumer les responsabilités qui nous incombent, à tous, et pour nous épargner le travail — semble-t-il trop difficile pour beaucoup ? — de réflexion personnelle qui conduit à une pensée autonome.</p>
<p></p></blockquote>
<p>Le dernier-né de Tristan-Edern Vaquette est un objet littéraire inaccoutumé, mélange impeccable de témoignage et de pamphlet.<br />
Issu de l'expérience de l'auteur en tant que juré d'assises, il peut se découper en deux parties, la première partie étant le récit (plus ou moins romancé) du déroulé des audiences, et la seconde une série de réflexions générales sur la justice.<br />
<br />
On sent dès le début de la lecture que cet ouvrage a été écrit dans l'urgence de coucher sur le papier tout ce que cette expérience a apporté à l'auteur. Le texte est brut, souvent émotif. Le sujet même évoquait un livre à l'ambiance lourde, au contenu très sensible et engageant, ce qui se confirme bien à la lecture. Il est cependant particulièrement bien équilibré par les digressions de l'auteur (on y retrouve vraiment tout ce qui fait le sel d'un livre de Tristan-Edern Vaquette), qui permettent des respirations souvent salutaires.<br />
<br />
La première partie a ça de passionnant que l'auteur a su parfaitement vulgariser le déroulement et les enjeux des différentes phases des audiences. Pour comprendre comment fonctionne la justice au sens large, il est indispensable d'en comprendre les rouages. Accéder aux détails de l'organisation d'une audience est donc primordial. Vaquette nous en fait une visite guidée des plus décapante, aussi exhaustive que sans compromis.<br />
Il faut dire que plonger au cœur d'une cour d'assises est très éprouvant. Pour le cœur, pour l'âme, pour les convictions aussi. Pour les illusions, encore plus, et si vous en aviez encore, vous allez rapidement les mettre de côté. <br />
Bien judicieusement, si cette expérience fait forcément parler son émotion, l'auteur n'en perd aucunement sa capacité de réflexion et son acuité si distinctive.<br />
<br />
Après avoir parlé aux émotions, il parle ensuite plus particulièrement à la raison, et dénonce les biais et les limites de la justice telle qu'elle est appliquée dans notre pays dans une série d'envolées dont il a le secret, beaucoup moins provo que je ne l'aurais cru (surtout après ses mises en garde) mais sauvagement dénonciatrices. Regarder en face notre justice, ça fait mal, mais c'est un exercice nécessaire.<br />
<br />
Comme pour <a href="https://unspicilege.org/index.php?post/Je-ne-suis-pas-Charlie-Je-suis-Vaquette"><em>Je ne suis pas Charlie</em></a>, je pense qu'il est impossible de lire ce livre sans s'interroger sur son propre rapport à la justice. <br />
Je ne peux pas dire que son contenu me soit apparu comme une révélation, tant rien dans ce qui est dénoncé ne m'étonne, cependant, il m'a permis de pousser un peu plus loin ma loyauté à mes propres convictions. Facile d'être du côté de l'accusée principale de l'ouvrage, beaucoup moins quand d'autres affaires sont évoquées tant elles parlent aux tripes. C'est pourtant salutaire, et lire ce livre m'a assurément permis de m'y retrouver.<br />
<br />
Pour conclure, je conseille évidemment la lecture des Neuf Salopards pour qui s'intéresse à la justice, c'est même un excellent guide pratique si vous deviez vous retrouver, un jour, juré dans une cour d'assises. <br /></p>
<p>Je termine par quelques autres petites ressources sur ce sujet. Outre <a href="https://www.mediapart.fr/studio/podcasts/un-micro-au-tribunal">la formidable série de podcast <em>Un micro au tribunal</em> signée Mediapart</a> et également citée par l'auteur dans le livre (je l'ai dévorée il y a quelques mois, attention, c'est souvent dur de se rendre compte que la justice est si <em>injuste</em> et certains épisodes sont éprouvants), je conseillerais 2 autres podcasts:</p>
<ul>
<li>Le podcast <em>Fenêtre sur cour</em>, mené par la journaliste judiciaire Élise Costa, qui, bien qu'il évoque surtout les faits divers, aborde de façon subtile un sujet sensible dans <a href="https://www.arteradio.com/son/61666731/les_enfants_detruits_1ere_partie">cet épisode en 2 parties : <em>les enfants détruits</em> </a> qui m'a également mis en face de mes contradictions.</li>
<li><a href="https://www.binge.audio/podcast/programme-b/vous-avez-droit-a-un%25c2%25b7e-avocat%25c2%25b7e">Cet épisode du podcast Programme B</a> pour approfondir le sujet de l'aide juridictionnelle qui est rapidement abordée dans le livre: les fameux avocats commis d'office. L'avocate reçue en entretien m'a semblé remarquable. <br /></li>
</ul>
<p><br />
PS : un petit mot sur le bonus : <em>Voilà pourquoi j'ai frappé dans le tas,</em> la déclaration du jeune anarchiste Émile Henry lors du procès qui aboutira à sa condamnation à mort pour avoir commis deux attentats meurtriers. C'est un texte extrêmement intéressant pour deux choses : d'abord pour l'intelligence et la vivacité d'esprit qui y transparaît, ensuite pour la formidable modernité des propos d'Henry.</p>
<pre>
Les Neuf Salopards
Tristan-Edern Vaquette
Bonus :
Voilà pourquoi j'ai frappé dans le tas
Émile Henry
Du Poignon Productions
</pre>
<p><img src="http://unspicilege.org/public/.9salopards_s.png" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Les-Neuf-Salopards#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/54Comment parle un robot ?urn:md5:2c277a3c656fda4e94d995a66177dd712021-03-14T10:20:00+00:002022-09-24T12:07:30+01:00DeidreEssaiEssaiIALectureSciences <p>Ne vous fiez pas à son titre ou au fait que ce livre ait été publié par les Éditions Le Bélial' (éditeur de l'imaginaire, s'il en est) <em>Comment parle un robot ?</em> n'est ni un ouvrage de SF, ni un ouvrage de pop-culture. Le pedigree de l'auteur peut cependant mettre la puce à l'oreille : Frédéric Landragin est en effet docteur en informatique-linguistique et directeur de recherche au CNRS, excusez du peu...<br />
<br />
Dans ce livre, il ne va pas nous raconter la façon dont le langage des robots est présenté dans la science-fiction, mais plutôt comment les machines parlantes, y compris celles qui font à présent partie de notre quotidien, fonctionnent. Il explore par là même une discipline à la croisée de la linguistique, de l'informatique et de l'intelligence artificielle : le traitement automatique des langues (TAL).<br />
Il sondera donc tour à tour les différentes facettes de l'intelligence artificielle parlante, puis du traitement automatique des langues à l'écrit et à l'oral. Les deux derniers chapitres abordent les applications concrètes de ces différentes technologies : la traduction automatique d'une part, le dialogue humain-machine d'autre part. Le tout est illustré tout au long par des exemples issus de la science-fiction.<br />
<br />
<em>Comment parle un robot</em> est un ouvrage au style d'écriture plutôt universitaire et au niveau assez soutenu : soyez prévenus. Certains chapitres sont passablement ardus. Notamment, ceux consacrés plus particulièrement à l'exploration du TAL poussent très loin l'analyse linguistique : on y décortique la langue française dans toute sa complexité et son ambiguïté syntaxique et sémantique.<br />
C'est complexe, certes, mais également formidablement captivant (comment ne pas être subjugué par les subtilités du langage et la façon dont on les étudie ?). Cet approfondissement est en outre nécessaire pour appréhender l'ensemble des mécanismes qui régissent la façon dont nous nous faisons comprendre d'une interface homme-machine. Cette plongée au cœur des rouages des machines parlantes est absolument passionnante et très éclairante sur le fonctionnement (et les biais) de celles qui nous côtoient déjà. <br />
Il permet en outre de démystifier beaucoup de fantasmes autour de l'intelligence artificielle en évoquant concrètement son fonctionnement et ses limites.<br />
<br />
Je conseille donc fortement ce livre à tous ceux que le sujet intéresse et qui veulent en savoir plus sur l'envers du décor tant son contenu est qualitatif. On est très loin du survol : Frédéric Landragin nous offre un ouvrage qui traite en profondeur de son sujet, assorti en plus d'une bibliographie plus que conséquente. <br />
<br /></p>
<pre>
Comment parle un robot ?
Les machines à langage dans la science-fiction
Frédéric Landragin
Le Bélial'
</pre>
<p><img src="http://unspicilege.org/public/.Comment-parle-un-robot_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Comment-parle-un-robot#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/40Journal d'un rescapé du bataclanurn:md5:fcc815a34af96beecd9eeeeddc0c7e952021-02-03T09:24:00+00:002022-09-24T12:08:38+01:00DeidreEssaiEssaiLecture <p>C'est, je pense, un immense cadeau que nous a fait Christophe Naudin en nous livrant le contenu du journal qu'il a tenu de décembre 2015 à décembre 2018, après avoir survécu à l'attentat du Bataclan. Dans un premier temps car il a tenu à le laisser brut, sans réécriture. Il s'agit donc d'un témoignage extrêmement dur, évidemment, écrit par un auteur souvent sous la coupe de troubles du stress post-traumatique, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la psyché.<br />
Dans un second temps car il l'a complété au moment de son édition par une postface extrêmement éclairante, écrite 2 ans après la fin du journal, 5 ans après l'attentat. D'ailleurs, si je l'ai, pour ma part, lue après le journal, je pense qu'il est intéressant également de la lire avant.<br />
Ces deux revers d'une même médaille forment un ensemble à la fois bouleversant et instructif, un témoignage fort sur l'impact de cet évènement sur la vie d'un survivant.
La personnalité de Christophe Naudin contribue, je pense, à l'intérêt du livre : il est historien, a travaillé sur l'Islam médiéval, enseigne l'histoire dans un collège et est clairement engagé politiquement à gauche.<br />
<br />
Au fil du récit, nous allons suivre ses réflexions, son besoin de suivre l'actualité, de s'informer encore et encore sur les attentats, sa nécessité dévorante de comprendre. <br />
Sa colère, également.<br />
Face aux médias et à l'affrontement de deux visions aussi caricaturales l'une que l'autre du terrorisme. <br />
Face à sa famille politique, également, et à la complaisance dont elle fait preuve.<br />
En parallèle viendront les phases de reconstruction, son retour au collège, son travail de thérapie, ses amis, ses élèves, ses collègues, la rencontre avec sa compagne...<br />
Il est émouvant de le sentir se détacher quand les entrées de son journal finissent par se faire plus rares, plus courtes et plus posées...<br />
<br />
La postface lui permet enfin de remettre les choses en perspective et de dresser le bilan de son parcours pendant ces 5 années. La reconstruction, la nécessité de témoigner, la volonté d'agir.<br />
<br />
<em>Journal d'un rescapé du bataclan</em> est un document sans doute unique, fort et juste dans ses réflexions et dans la pertinence des questions que l'auteur pose face à l'islamophobie et à la lutte contre le terrorisme. <br />
<br /></p>
<pre>
Journal d'un rescapé du Bataclan
Christophe Naudin
Editions Libertalia
</pre>
<p><img src="http://unspicilege.org/public/.bataclan_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Journal-d-un-rescap%C3%A9-du-bataclan#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/35Funèbre !urn:md5:cc5699a516c2390255f773339bcf01e92021-01-13T09:11:00+00:002022-09-24T12:10:36+01:00DeidreEssaiEssaiHistoireLectureMort <p>Funèbre ! est un court livre passant en revue différents rites autour de la mort ou plutôt, différentes traditions liées à la perte d'un proche partout autour du monde.<br />
En effet, l'auteur s'attache à ne pas traiter de "la mort" en général, mais bien de toutes les traditions entourant la mort d'un membre de la famille ou du cercle intime, liées plus particulièrement aux coutumes, aux croyances et au deuil.
Sujet assez tabou dans nos contrées, il est intéressant de constater à quel point il fait partie de la vie générale d'autres communautés.<br />
Sans sensationnalisme, mais avec rigueur et simplicité, l'auteur s'attelle à nous partager la symbolique de quelques rites assez originaux pour être impressionnants.<br />
Impossible de ne pas faire le parallèle avec le deuil tel qu'il est pratiqué par chez nous, ou c'est affaire d'intimé, de pudeur et de discrétion, quand il est, chez d'autres, partie intégrante de la vie en communauté. Il n'est jamais affaire de jugement dans ce livre qui se veut factuel, mais il est tout à fait intéressant de se rendre compte que le rapport à la mort en dit beaucoup en final sur le rapport à la vie.<br />
<em>Funèbre !</em> est richement documenté et permet un tour du monde pas banal et passionnant, qui évoque des traditions ancestrales autant qu’émergentes et dans lequel on apprendra à quel point la mort peut être célébrée.<br />
<br /></p>
<pre>
Funèbre !
Juliette Cazes
Editions du Trésor
</pre>
<p><img src="http://unspicilege.org/public/.Funebre_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Fun%C3%A8bre-%21#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/30Nos héros sont maladesurn:md5:195b4a947b285fd1831ea6b870293a432020-12-09T08:45:00+00:002022-09-24T12:14:32+01:00DeidreEssaiEssaiLectureSciences <p>Le cinéma, c'est parfois un peu comme cet ami/connaissance/parent ou professeur très érudit qui peut gloser des heures sur tous les sujets et dont vous buvez les paroles. J'ai eu par exemple un professeur de cet acabit en licence de librairie. <br />
Arrive le moment où il aborde un sujet que vous maîtrisez. Vous commencez alors à vous dire qu'il raconte quelques bêtises quand même, ou qu'il fait de graves approximations pour servir son récit. Ce professeur m'a par exemple perdue dès qu'il a commencé à parler sciences. <br />
À partir de cet instant, vous vous posez des questions sur tout ce qu'il a dit auparavant, en vous demandant quelle était la part de vérité et celle d'approximation dans tout ça.<br />
<br />
C'est, je pense, un processus assez logique dans une vie d'amateur de cinéma, qui arrive dès qu'on a un socle culturel solide et qui permet d'exercer son esprit critique.<br />
<br />
Il est cependant des sujets qui manquent tellement de visibilité qu'il est parfois difficile de faire la part des choses, et j'imagine que la maladie mentale est de ceux-là. Sujet encore très tabou et véhiculant un nombre hallucinant d'idées reçues, son traitement dans la fiction a contribué à tout un tas de clichés que le livre <em>Nos héros sont malades</em> s'attelle à démonter. <br />
<br />
Extrêmement abordable et des plus passionnants, il est divisé en 7 chapitres ayant chacun pour thème une pathologie. Par le prisme du cinéma (et de quelques séries) et en démontrant la plupart du temps les distorsions qui existent entre la façon dont le sujet est traité sur un écran et la réalité, le Dr Debien abat les clichés et évoque, sans détour ni sensiblerie et de façon extrêmement claire, en quoi consiste vraiment la maladie mentale.<br />
<br />
Soyons honnêtes, si vous connaissez le sujet, vous n'apprendrez peut-être pas grand-chose. Si vous ne vous êtes jamais trop penché sur la question, ce livre pourrait en revanche vous surprendre sur vos propres a priori, tant ceux-ci sont profondément ancrés dans notre quotidien, entre autres par la fiction.<br />
Le travail pédagogique amorcé dans ce livre ne vous en paraîtra que d'autant plus important.<br />
<br />
Ce livre propose de plus une formidable liste de films et séries remarquables sur le sujet, comme <em>Jacob's Ladder</em> d'Adrian Lyne qui, s'il est fantastique, traite également de façon très graphique de stress post-traumatique, <em>Spider</em> de David Cronenberg, (un de mes films préférés) qui propose un vision, certes noir, mais des plus réaliste d'une personne atteint de psychose ou <em>American Psycho</em>, de Marry Harron et son effroyable psychopathe...<br />
<br />
Je terminerais par un mot sur les illustrations de Ben Fligans, qui enrichit le livre de son talent. Je l'ai découvert à cette occasion et j'ai trouvé son travail remarquable.</p>
<pre>
Nos héros sont malades
Dr Christophe Debien
Illustré par Ben Fligans
HumenSciences
</pre>
<p><img src="http://unspicilege.org/public/.herosmalades_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Nos-h%C3%A9ros-sont-malades#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/27Six promenades dans les bois du roman et d'ailleursurn:md5:67cb76859c64adc6546571b95d3b6b5c2020-11-18T12:31:00+00:002022-09-24T12:15:12+01:00DeidreEssaiEssaiLectureLittérature <p>Ce court livre est la synthèse d'une série de 6 conférences qu'Umberto Eco a données pour les Norton Lectures de Harvard.
Il y propose un voyage au cœur du processus de narration, durant lequel il s'attachera à décomposer plusieurs œuvres, dont, entre autres, <em>Le meurtre de Roger Ackroyd, Casino Royale, Les trois mousquetaires</em> et surtout la <em>Sylvie</em>, de Gérard de Nerval, qui sera le dénominateur commun de toutes ses réflexions.<br />
<br />
J'aime beaucoup Umberto Eco. Comme beaucoup de libraires, j'ai dévoré <em>Le nom de la Rose,</em> je me suis passionnée également pour <em>Le Pendule de Foucault</em>. J'admets cependant qu'Eco est un auteur très exigeant. Lire ses romans nécessite des efforts. Son style est riche, ses écrits complexes.<br />
<br />
Ce n'est pas du tout ce que j'ai retrouvé dans ce livre. Sans doute car il retranscrit des conférences orales, je l'ai trouvé limpide, incroyablement facile d'accès en regard de l'étendue des connaissances qui y sont distillées.<br />
Eco y déploie toutes ses facultés de vulgarisateur pour le plus grand plaisir du lecteur. <br />
<br />
Le lecteur est en effet l'ingrédient majeur de ces réflexions. Il se voit défini comme l'élément central autour duquel tout narrateur construit son intrigue.<br />
<br />
Suivre le cheminement de Eco permet au lecteur de jouir d'autant plus des romans qu'il décrit. <br />
Véritable bijou qui serait profitable à tout écrivain ou lecteur, j'ai fini ma lecture nettement plus instruite que je l'ai commencée, en apprenant avec avidité et plaisir.</p>
<pre>
Umberto Eco
Six promenades dans les bois du roman et d'ailleurs
Traduit par Myriem Bouzaher
Grasset/Livre de Poche
</pre>
<p><img src="http://unspicilege.org/public/.promenadesEco_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Six-promenades-dans-les-bois-du-roman-et-d-ailleurs#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/26Je ne suis pas Charlie (Je suis Vaquette)urn:md5:416eec93cc37442f57e81d9097d902832020-09-23T08:00:00+01:002022-09-24T12:19:30+01:00DeidreEssaiEssaiLecture <p>J'ai terminé mon été comme je l'ai commencé. En lisant avec appétit Tristan-Edern Vaquette.</p>
<p><em>Je ne suis pas Charlie (Je suis Vaquette)</em> est un court texte écrit dans la foulé des attentats de Charlie Hebdo, tentant de revenir avec lucidité sur ce qui a posé problème dans le traitement de ces événements.
Porté par une écriture, certes vindicative, mais évitant de tomber dans l'aigreur, ce texte met en exergue l'immense hypocrisie qui a suivi ces épisodes bouleversants et interroge sur les causes profondes qui ont pu mener à de telles extrémités.</p>
<p>Je ne sais pas si on peut lire ce texte sans s'interroger sur ses propres sentiments de l'époque. Je n'ai pour ma part pas pu. <br />
Je me rappelle encore où j'étais quand les nouvelles ont commencé à m'arriver. <br />
Je me rappelle dans quel état de stupeur je me suis retrouvée. <br />
Je me rappelle avoir été Charlie sans y réfléchir vraiment, réagissant avec émotion, en étant incapable d'avoir le recule nécessaire sur les choses.<br />
Je me rappelle ne pas avoir marché... ne pas avoir compris ce cortège de puissants, mais avoir cependant été émue par les rassemblements d'anonymes.<br />
Je me rappelle ne pas m'être réjouie du tout de la mort des frères Kouachi comme je ne me réjouie jamais d'un assassinat quel qu'il soit. <br />
Je me rappelle d'un sentiment de malaise constant.<br />
<br />
Je ne sais pas comment j'aurais reçu le texte de Vaquette au moment de sa sortie. Il aurait sans doute été trop tôt.
Si j'ai pu sentir à l'époque comme une odeur de manipulation dans l'air, j'étais trop en proie à mes émotions pour raisonner correctement.
Bien sûr, avec le recul, 5 ans après les faits, et à présent que cet événement, entre autre, a servi de prétexte à voter de plus en plus de lois liberticides, il m'est impossible de ne pas pointer les mensonges servis à ce moment là. <br />
Vaquette les égraine tous, sans rage, mais avec la perspicacité provocatrice qui émane de chacun de ses écrits. Si cette histoire est idéale pour qu'il aborde en profondeur son sujet de prédilection (la défense de la liberté d'expression, pour ceux qui ne suivent pas), il propose également une analyse extrêmement avisée des ressorts sociétaux ayant abouti à cette situation, et de l'instrumentalisation qui en a été fait.<br />
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Il se fait alors la voix de ceux qui ne réduisent pas ces attentats à un problème de caricatures. De ceux qui ont rejeté le détournement d'un mouvement à des fins de propagation de la peur, et donc, de plus de contrôle. De ceux qui, décidément, ne pouvaient pas se sentir Charlie, quand c'est le contraire même de l'esprit originel du journal.<br />
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<p>Cri du cœur écrit avec discernement, plaidoyer libertaire, ce texte entre en parfaite résonance avec la situation sanitaire actuelle, dans ce que la crainte qu'elle inspire sert de prétexte pour restreindre toujours plus les droits fondamentaux.</p>
<p>Il n'en a été que plus savoureux...</p>
<p>A noter qu'il est suivi de deux "bonus" de quelques pages chacun :<br /></p>
<p>- <em>Mon éditeur est un enculé,</em> dénonçant allègrement l'hypocrisie qui règne dans un certain milieu de l'édition (pour connaitre un tant soit peu ce milieu, il cogne oui, mais plutôt à raison !)<br /></p>
<p>- <em>Vaquette fait la manche</em>, texte écrit sur la page d'appel au don de l'auteur, permettant d'aborder le sujet de la valeur morale et sociétale du travail d'un artiste.<br /></p>
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Je ne suis pas Charlie (je suis Vaquette)
Tristan-Edern Vaquette
Du Poignon Productions
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<p><img src="http://unspicilege.org/public/.CharlieVaquette_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>http://unspicilege.org/index.php?post/Je-ne-suis-pas-Charlie-Je-suis-Vaquette#comment-formhttp://unspicilege.org/index.php?feed/atom/comments/14